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Dernière mise à jour : 07.12.2025
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LA BLONDE ET LE SHERIF : HUMOUR ET GLAMOUR A L'OUEST

Publié le 20/03/2013 à 23:17 par vivelewestern Tags : jardin vie monde belle femme roman argent film annonce mort femmes rose divers bande love voiture fantastique actrice
LA BLONDE ET LE SHERIF : HUMOUR ET GLAMOUR A L'OUEST

La Blonde et le shérif (The Sheriff of Fractured Jaw)de Raoul Walsh – 1958

Comment Raoul Walsh, le borgne héroïque, réalisateur de « Gentleman Jim », « Aventures en Birmanie » et « L’Enfer est à lui », a-t-il pu s’embarquer dans un projet aussi improbable que « La Blonde et le shérif » ?

Ce western n’est en effet qu’une parodie du genre tant pratiqué par Walsh et auquel il donna quelques titres de noblesses (« La Piste des géants », « La Charge fantastique », « Les Aventures du capitaine Wyatt », « La Vallée de la peur », « Victime du destin »). Avec « La Blonde et le shérif », Walsh s’était visiblement autorisé un divertissement après deux grosses productions, « L’Esclave libre » (avec Clark Gable, Yvonne de Carlo et Sidney Poitier) et « Les Nus et les morts », un film de guerre tiré du roman de Norman Mailer.

« La Blonde et le shérif » commence loin de l’Ouest américain, dans le jardin d’un somptueux manoir anglais où Robert Morley (bien peu fait pour le western de toute façon) boit plaisamment son thé. A quelques pas, son neveu, Jonathan Tibbs (Kenneth More), met au point un modèle de voiture à vapeur… qui prend rapidement feu et explose. L’entreprise familiale de ces aristocrates fin de règne (une armurerie créée en 1605) périclite. Il faut trouver un moyen de renflouer la caisse. Rose à la boutonnière, chapeau melon vissé sur la tête, Tibbs tient plus de John Steed que de Gary Cooper. Il a pourtant l’idée saugrenue d’aller vendre ses fusils de chasse dans l’Ouest américain, un nouveau marché à conquérir.

Sans transition, dès la onzième minute du film, on retrouve Tibbs en diligence, pourchassé par les Indiens (mais des Indiens qu’on ne prend pas totalement au sérieux, dignes du Wild West Show de Buffalo Bill). Très naturellement, Tibbs décide d’aller leur parler pour vider la querelle. Fort civil, il explique au chef indien que la diligence roulait légalement sur la voie publique ! Les deux hommes se serrent la main à la stupéfaction des conducteurs de la diligence assaillis. Tibbs est prêt à boire le thé !

Jayne Mansfield, la blonde du film, fait une entrée remarquée à la dix-huitième minute. « On n’a pas de shérif à Fractured Jaw, mais je me fais obéir ! » Quelques minutes plus tard, Mansfield chante (enfin, elle est doublée) en robe rose bonbon sur la scène de l’hôtel dont elle est propriétaire. Ersatz de Marilyn Monroe à laquelle elle a emprunté la blondeur platine, la fausse candeur, la bouche en cœur et les minauderies, cette actrice aux possibilités limitées a quelques arguments : à côté des deux obus qui lui tiennent lieu de poitrine, le pare-choc d’une Cadillac 1960 semble bien cheap… Et quel châssis !

Tibbs est évidemment totalement décalé au bar d’un saloon comme sur les pistes de l’Ouest. L’humour du film, qui tient plus de Norman Taurog que de Preston Sturges, résulte de ce contraste. Tel Mister Bean, Tibbs ne comprend rien aux usages du coin. William Campbell, qui devait bien regretter « L’Homme qui n’a pas d’étoile », l’oblige à boire un infâme whisky qui lui fait l’effet d’un liquide antigel. Campbell, tout de noir vêtu, tombera bientôt sous les balles devant un Tibbs effaré. Henry Hull (un type maigrelet à qui Walsh faisait souvent appel depuis « Hors du gouffre », en 1931) explique alors à Tibbs que personne ne veut être shérif à Fractured Jaw. En un rien de temps (entre deux verres), l’Anglais est propulsé shérif. Le lendemain matin, le réveil est difficile. Il trouve au pied de son lit les reliques des trois précédents shérifs : des chapeaux et des bottes qui doivent lui permettre d’adopter une tenue adéquate à son office.

Contre toute attente, il se montre très efficace. En moins de deux, Budd Wilkins, le tueur du ranch Lazy-S se rend. C’est que Tibbs a dégainé un Derringer ficelé à son poignet plus vite que son ombre… Il avouera ensuite qu’il n’était pas chargé !« Fatigué de vivre ou idiot ? », lui lance Kate. « Le seul coin calme ici c’est Booth Hill (le cimetière) et votre place y est retenue ! ». Elle lui propose de lui apprendre à se servir d’un Colt, ce qui donne lieu à une belle scène bucolique et… vaguement érotique. Lèvres en cœur rouge vif, Kate tient le poignet de Tibbs pour orienter son tir. « Le pistolet est rechargé », annonce-t-elle bientôt. « J’ai aussi une carabine. Le dernier modèle. Je vous la montrerai ». Elle ne fera pas que lui montrer sa carabine. Très vite, on s’embrasse. Et en plein émoi, Kate appuie sur la détente du revolver, de contentement. Tibbs emballé veut se marier. « Les shérifs n’ont pas de femmes. Ils ont des veuves », lui répond Kate. De retour, sur la route de Fractured Jaw, elle chante « Valley of Love », un titre sucré (celui du générique du film), qui sonne en écho dans les montagnes environnantes.

Avant de convoler, Tibbs décide de partir vendre ses fusils. C’est tout de même pour ça qu’il est venu dans l’Ouest. Il est capturé par les Indiens. Scène cocasse, au lieu d’être torturé, il est adopté par le chef indigène (celui-là même qu’il avait épargné au début du film). L’idée semble bien incongrue à l’Anglais flegmatique. « Tu préfères quoi ? », lui déclare l’Indien. « Etre un Indien vivant ou un Anglais mort ? ». La décision est bien vite prise, après quoi on propose à Tibbs un choix de belles squaws. « Elle fera tout et tu n’auras plus à travailler » (je précise au passage que j’ai vu le film le 8 mars, décrété « journée de la femme »). Tibbs refuse de s’encombrer d’une femme.

De retour à Fractured Jaw, il découvre que son Derringer fait fureur. Tout le monde en veut. Le ranch Lazy-S veut s’affronter à son rival, le ranch Box-T. Tibbs, n’écoutant que son devoir, décide d’aller leur parler. On ne donne pas cher de la vie du shérif. Le maire alerte le croque-mort : « Va atteler ton corbillard ! » Kate rejoint Tibbs, qui est vite pris sous le feu de la bande de Box-T. Les Indiens voleront au secours de leur « frère ».

Le film se clôt dans le bureau du shérif où Tibbs boit le thé dans un service en argent servi par… un Indien devenu majordome. Les bandes sont sous les verrous. Tibbs peut aller se marier avec la pulpeuse Kate.

Pour Jayne Mansfield, « La Blonde et le shérif » sera annonciateur d’un naufrage : elle ne tournera plus ensuite que des films insignifiants, avant un accident de voiture fatal, en 1967. Simon Liberati a consacré un court essai à ce drame qui se veut moins la relation du fait divers tragique qu'une variation autour du prix à payer pour atteindre la gloire dans l'enfer hollywoodien : « Jayne Mansfield 1967 » (prix Femina 2011). Walsh, lui, retournera bientôt au western, le vrai, le sérieux, et tournera « La Charge de la 8ème Brigade », son chant du cygne.

« La Blonde et le shérif » se laisse voir sans déplaisir. Mais s’il est réjouissant, l’exercice, qui bénéficie du dynamisme et de l’énergie intacts de Walsh, reste vain. Pour ma part, je considère qu’en matière de western parodique, c’est un vieux concurrent de Walsh, Henry Hathaway, qui rafle la mise, avec « Le Grand Sam », réalisé en 1960, que nous tâcherons d'évoquer prochainement...

Christophe LECLERC