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LA REINE DE LA PRAIRIE : MISS STANWYCK COWGIRL PROGRESSISTE

Publié le 28/05/2014 à 21:43 par vivelewestern Tags : blog vie chez amour femme histoire texte amitié nuit soi film écran
LA REINE DE LA PRAIRIE : MISS STANWYCK COWGIRL PROGRESSISTE

Entre la Tour des Ambitieux et Le Souffle de la Violence (déjà chroniqué ici), Barbara Stanwyck tourne cette Cattle Queen of Montana (disponible chez Sidonis), précisément dans le Montana, aux côtés du futur président des Etats Unis, Ronald Reagan, dont on se souvient sans doute moins dans sa filmographie que les Quarante Tueurs de Samuel Fuller. Dans un rôle de meneuse où elle excelle forcément, elle confère un peu d'originalité et de relief à cette série B standard signée Allan Dwan, prolixe réalisateur évoqué récemment sur ce blog. A l'entame, les décors naturels participent pour beaucoup de notre plaisir, cette production RKO abusant cependant par souci d'économie de transparences dans ses gros plans dialogués, troupeau et montagnes s'incrustant assez maladroitement en arrière plan des comédiens. Mais dès que la caméra s'en revient saisir in situ la limpidité des eaux d'une rivière ou que la star féminine s'ébat nue (suggestivement seulement, on vous rassure) dans un lac sous l'œil amusé de Ronald Reagan et d'un chef indien, la beauté des paysages éclate magnifiquement à l'écran.

L'intrigue est cependant assez mince, qui réunit un peu artificiellement Stanwyck (alias Sierra Nevada Jones !) et Reagan le long du « meilleur paturage de la planète », dixit Stanwyck. Sous la menace constante des indiens, convoyer du bétail n'est pas une mince affaire, le spectateur apprenant vite que Reagan est précisément là pour pacifier la zone, cet as de la gâchette ne s'en laissant pas compter, capable qu'il est d'un tir à l'extrême précision d'enflammer l'allumette encore éteinte du patibulaire Jack Elam, lors d'une séquence à la limite de la parodie. Reagan rengainant non sans mal son six coups une fois démontré qu'il est bien un as dans sa partie...

Le raid nocturne des indiens qui débarquent pour s'emparer du troupeau de Stanwyck est en revanche rondement mené sous le filtre bleuté d'une jolie nuit américaine. Qui masque avantageusement le visage pâle du traître qui utilise les autochtones à son profit, Gene Evans pactisant avec un indien félon (Anthony Caruso aperçu dans Quand la ville dort et le Barbe Noire de Raoul Walsh) pour s'emparer du bien d'autrui. Le scénario ne se voulant cependant pas manichéen, à défaut d'être très élaboré, il met en présence de Stanwyck des indiens blackfoot aux intentions plus pacifiques (dont Colorados, alias Lance Fuller qui tourna par la suite le mémorable Les Survivants de l'Infini mais s'égara également chez Ed Wood) ayant le bon goût de la secourir au petit matin, fraîchement endeuillée par l'assassinat de son père.

En flingueur appointé pour exécuter les ordres et accessoirement les ennemis de son patron Gene Evans, Reagan ne tarde pas à s'apercevoir qu'il émarge dans le mauvais camp, au gré d'une partition assez filandreuse. Car le scénario s'attarde alors sur les rapports entre Colorados et la blonde cow-girl, dans un camp de tipis érigés en studio sous lesquels Stanwyck fait les cent pas, conférant esthétiquement à certaines scènes des allures de théâtre filmé. On respire enfin quand elle a le droit d'arpenter de nouveau les grandes étendues boisées en bordure desquelles Reagan espionne les indiens. Mais mal lui en prend car le voilà soudain capturé par le propre allié de son boss, qui le calotte méchamment et manque de le poignarder sans l'intervention de l'omniprésent Colorados. Reagan repart de là non sans avoir échangé quelques mots avec Stanwyck, ce qui rend leur béguin potentiel fort hypothétique à ce stade.

Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'au bout d'une demi heure, on reste un peu sur notre faim de péripéties, si on excepte la timide autant qu'audacieuse tentative de Colorados qui essaie à mots couverts de déclarer sa flamme à Stanwyck. Mais l'idée d'une idylle entre une femme blanche et un indien se doit à l'époque de demeurer à peine effleurée du bout d'une tirade avortée, sous peine de devoir endurer les foudres de la censure. Une thématique instructive en soi puisque seuls les mâles américains semblent avoir le droit d'envisager une histoire d'amour mixte, de James Stewart dans La Flèche Brisée de Delmer Daves (1950) à Kirk Douglas dans La rivière de nos amours d'André de Toth (1955); Debra Paget payant toutefois de sa vie sa mésalliance dans le premier cité. Comme il est impensable qu'une femme, fut elle une femme pionnière, puisse disposer de son corps à sa guise, le script cantonne son audace à un discours progressiste qui n'en est pas moins méritoire pour l'époque, Stanwyck tenant tête à des mégères du cru en défendant mordicus son amitié pour les indiens qui l'ont secouru.

Mais les évènements se précipitent quand le contremaître de Stanwyck est assassiné par les indiens inféodés à Gene Evans, lequel tente de déclencher une guerre ouverte entre les deux peuples, à son seul profit, masquant les traces de ses infamies sous la poussière des représailles qu'il réclame au galop. Le dernier tiers du film voit enfin le couple star se rapprocher, au gré de rebondissements plus ou moins prévisibles et plus ou moins concluants, telle cette progression en tapinois de Stanwyck et Reagan avant l'explication de texte finale où les méchants périront comme il se doit. Cependant, à l'heure de prendre congé, le couple WASP est inopinément rejoint par leur ami indien. Et là, par pure innocence ou au contraire par une manifestation symbolique volontairement séditieuse, voilà que Stanwyck prend non seulement le bras de Reagan mais également celui de son soupirant éconduit au scénario... Serait ce là l'amorce d'un ménage à trois à la Jules & Jim ou l'inconscient aveu que l'héroïne n'a pas de sexualité affirmée, s'en voulant tenir à un esprit de camaraderie œcuménique ? La réponse peut en tout cas plaisamment faire débat à soixante ans de distance, d'autant qu'on sait aujourd'hui à quel point Stanwyck était une maitresse femme, portant sans partage la culotte à la ville durant les treize années que dura son union avec Robert Taylor...

Sébastien Socias